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Find Your Own Way Out
19 juillet 2016

« Je suis un homme gratuit. Je ne rapporte que

« Je suis un homme gratuit. Je ne rapporte que des ennuis, des tas de feuilles. Je planche sur des mirages. Je suis seul et incertain sur mon vicinal chemin. Je suis pris en étau entre le ridicule et la postérité. Je me situe, grosso modo, entre l’imposture et le génie. Entre le néant absolu et l’éventualité d’un Tout. Je suis quelquefois Proust, puis je m’endors, me réveillant en Moi-même, une sorte de Moins-que-rien. J’oscille, à en devenir fou, entre la conviction de ma grandeur et la crainte de ma minusculité. Je suis constamment étonné par ma folie et perpétuellement gêné par ma normalité. Je m’aveugle sur mes capacités. Lorsque je griffe une phrase, ma fulgurance m’épate. La relisant le matin, je suis confus devant tant de bête bêtise, de plate platitude, de banale banalité. 9c8f725b29165dedded12bcc70078b4a
Je voudrais penser seul, mais il se trouve toujours quelqu’un, quelque part dans la littérature, pour l’avoir déjà dit, de façon plus neuve, plus définitive, plus exhaustive – plus ramassée. Il y a des gens, quelque part dans la littérature et par-delà les siècles, des gens qui, bien que planqués dans les confins du passé, sont moi-même avant moi, mieux que moi, sont plus moi et mieux moi que moi, et le seront toujours davantage. Ils sont, ils ont toujours été en avance sur moi. Ils ont pensé en juin 1654 ce que je vais inventer dans douze ans, dans vingt ans. Je crois découvrir, défricher, mais je ne fais, le plus souvent sans le savoir – ce qui ajoute au ridicule, à la vacuité –, que déterrer des vieux coups de génie antérieurs, des coups de génie qui étaient à la disposition du premier lecteur venu, des coups de génie de trois cents ans d’âge. […] de ce génie d’autrefois qu’on appelle désormais « lieu commun », « poncif », « clicheton ». Mes vivants mots sont morts le plus souvent, avant même d’être tatoués sur la feuille. J’ai envie de mourir quand je sens mon talent barboter dans l’océan de génie d’un prédécesseur illustre. J’allais découvrir un pan du monde, faire jaillir une nouveauté, faire sourdre un inattendu aspect du monde, dévoiler telle incroyable vérité : je ne fais qu’ôter des toiles d’araignées, passer la serpillière, donner des coups de plumeau..» Y.M.

 

Ramin Djawadi - Light of the Seven

 

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